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Voici la synthèse de notre dernier café philo que vous pouvez entendre sur le site de RCF.

Si l’on part de la définition qu’en donne Jean-Paul Codol, « le conformisme se manifeste par le fait q’un individu modifie ses comportements, ses attitudes, ses opinions, pour les mettre en harmonie avec ce qu’il perçoit être les comportements, les attitudes, les opinions du groupe dans lequel il est inséré ou il souhaite être accepté. » On retrouve un peu l’idée formulée dans un proverbe touareg qui dit: « En quelque pays que tut te trouves, conforme-toi à ses moeurs. » Dès lors, la question se pose de savoir si l’on peut échapper à tout conformisme. Le problème, on le voit, est double: est-il possible d’échapper à tout conformisme? Est-ce même souhaitable?

– Il pourrait sembler impossible d’y échapper puisque, par situation ou par choix, on se trouve forcément intégré dans un groupe. On naît tous dans une culture qui est déjà constituée, dans sa langue, ses valeurs, ses moeurs… Si on voulait alors concevoir un homme qui échapperait à tout conformisme, la question se poserait de savoir s’il serait encore un homme. Un peu comme l’enfant sauvage. Dès lors, le conformisme serait impliqué par la formation même des enfants qui espèrent trouver dans la ressemblance aux autres le supplément de forme dont ils ont besoin pour se réaliser.

Mais alors est-ce que cela signifie que le rôle de l’éducation est, comme on dit aujourd’hui, de « formater » les individus selon une norme préétablie? Ne serait-ce pas une vision réductrice et mécaniste de l’éducation qui conduirait à penser qu’il s’agit de reproduire de manière standardisée un prototype, comme c’est parfois le cas dans la mode où la vedette du moment impose sa manière de paraître: rockeur, rappeur ou Barbie?

– Pourtant on voit bien qu’en réalité, on cherche à se démarquer des autres, à trouver sa propre façon d’être.On voit ainsi qu’il existe de nombreux styles qui se définissent d’ailleurs parfois comme anticonformistes. Il s’agit alors de se distinguer de la norme, de la majorité: on dit même aujourd’hui de la masse. C’est souvent révélateur d’une aspiration à la liberté.On pense évidemment au modèle uniforme des dictatures de masse qui ont marqué le déclin de la pensée critique et de l’individualité au profit de l’idéologie et de la collectivité.

Mais l’anticonformisme n’est-il pas souvent qu’un conformisme à rebours? Ainsi, ne s’agit-il pas toujours de se conformer à une norme qui peut-être celle de la minorité, mais qui n’en reste pas moins une norme? C’est Léo Campion qui disait que: « La minorité a ceci de supérieur à la majorité qu’elle comprend un nombre inférieur d’imbéciles. » Dès lors, peut-on réellement échapper à tout conformisme?

-Finalement, peut-être que l’on peut en passer par une norme sans pour autant être conformiste. Le rôle de l’éducation est peut-être de nous transmettre un certain nombre de références ou de valeurs, mais elle a surtout pour but de nous permettre de développer nos propres facultés pour que nous puissions décider par nous-mêmes de ce que nous voulons en faire. La question n’est donc pas de savoir si on doit être comme les autres ou différents d’eux, mais de savoir pourquoi on pense, dit ou fait telle ou telle chose.

Donc le conformisme consisterait à renoncer à exercer son sens critique, sa capacité à penser par soi-même et à laisser finalement la mode, la société ou les autres décider à notre place. Ce serait lâcheté de notre part face à nos responsabilités. On peut donc très bien penser comme d’autres pourvu que ce soit parce qu’on le pense, et non parce que les autres le pensent. De même, penser contre les autres, ce serait encore se définir par rapport à eux et non pas penser par soi-même: anticonformisme qui n’est qu’un conformisme qui ne dit pas son nom. La question essentielle est donc de savoir pourquoi l’on pense, l’on dit ou fait les choses. Ce qu’illustre, par exemple, très bien le film de Sidney Lumet, Douze hommes en colère, où douze jurés doivent décider, par leur intime conviction ou en raison d’un doute raisonnable, et non en fonction de ce que disent les autres, de la culpabilité ou de l’innocence d’un prévenu. Choix éminemment difficile justement parce qu’il engage notre responsabilité.

– On voit bien qu’il est justement difficile de s’affirmer devant les autres car cela engage notre façon d’être et d’apparaître.Le poids du regard est déterminant dans notre manière de nous habiller, de nous exprimer. N’est-ce pas ce que l’on doit consentir à la comédie sociale ? Sartre a parfaitement montré comment le garçon de café jouait parfaitement son rôle et collait à l’image que tout le monde attend de lui.

Cependant on peut-être soi-même sans nécessairement avoir l’âme d’un martyr. D’ailleurs, comme le dit le proverbe touareg que nous avons cité au début, il convient de ne pas choquer mais de chercher à s’intégrer. Mais pas à n’importe quel prix. On ne peut pas et on ne doit pas tout accepter. Il convient – et c’est sans doute ce qui nous gardera de tout conformisme – de rester, selon le mot célèbre de Socrate, en accord avec soi-même. C’est tout l’enjeu de la philosophie: le « connais-toi toi-même » du fronton du temple de Delphes, est la condition de cette vie intègre à laquelle nous sommes tous invités.